Pour bien comprendre, il faut remonter plus avant : en 1295, l’Ecosse et la France signèrent une alliance pour empêcher l’Angleterre de prendre le contrôle de l’Europe. Les objectifs étant principalement militaires et diplomatiques, suivant le principe de "l’ennemi de mon ennemi est mon ami"…

La naissance d’une Reine
En décembre 1542, Marie de Guise - épouse du roi d’Ecosse Jacques V - donna le jour à Mary au Château de Linlithgow, à 25 km d’Edimbourg ; 6 jours plus tard, son père mort et enterré, cette dernière fut désignée héritière de la couronne alors qu’elle tétait encore son pouce.
Incendié en 1746, ce château accueille désormais en son sein - et durant la saison estivale - de multiples touristes et troupes de théâtre. De solides murailles de grès supportent encore les restes d’une longue salle de réception au 1er étage, garnie d’une cheminée monumentale. Nul doute que la dimension de ces âtres devait être inversement proportionnelle à l’atmosphère glaciale de ces châteaux, fussent-ils royaux ! Au centre de la cour, on aperçoit encore une magnifique fontaine sculptée.

A peine le premier battement de cils, la petite Mary devint l’objet de toutes les convoitises : Henri VIII voulant la marier à son fils afin d’unir les deux couronnes d’Ecosse et d’Angleterre, tandis que le roi de France Henri II entendait l’offrir à son fils François.
Damned, avec ses anglais toujours à reluquer du côté de Calais et davantage, la situation était grave !
De château en château
Marie de Guise craignant l’enlèvement de sa précieuse progéniture, préférera déménager sous bonne escorte - 2500 cavaliers et un millier de fantassins quand même - à la forteresse de Stirling.
Baptisée dans la foi catholique et couronnée à 9 mois par le cardinal Beaton dans un pays que les idées réformistes commençaient sérieusement à titiller, rien de tel pour apaiser les esprits !
Le château de Stirling occupe une position stratégique sur la route des Highlands, bâtit au sommet d’un éperon volcanique. Retrouvez notre article sur les châteaux hantés en Ecosse.

La visite permet d’admirer des appartements royaux et de magnifiques tapisseries. C’est l’un des bâtiments Renaissance les mieux conservés du Royaume ; un détour par le musée et la chapelle vaut le coup, ainsi qu’une incursion dans le Grand Hall où les représentants des clans écossais se rassemblaient en grande pompe... Il faut bien compter ½ journée pour effectuer ce royal périple, sans compter la recherche du fantôme : celui d’une servante appelée la Dame Verte, qui aurait sauvé Marie Stuart lors d’un incendie.
Un rien parano, la mère de Marie expédia sa fille au monastère de l’île de d’Inchmahome. Pour Mary, ce séjour ne fut qu’une parenthèse avant son départ expéditif pour la Maison Royale de France. Marie de Guise ayant promis sa fille - âgée d’à peine 6 ans - au Dauphin François. C’est qu’il fallait sceller dare-dare une alliance, pour peu que les anglais ne décident d’occuper la place !
La parenthèse française
Mary fut amenée à la cour des Valois pour épouser le jeune Dauphin François, tandis que sa mère Marie de Guise préféra rester en Ecosse pour maintenir la paix fragile.
A l’arrivée de Mary, Henri II – époux de Catherine de Medicis -, envoya de suite ses mal lavées de dames de compagnie au couvent. Il est vrai que côté raffinement et bonnes manières, la France était en avance sur son temps et que l’Angleterre et l’Ecosse ne lui arrivaient pas à la cheville [soit dit sans animosité aucune - NDLR].
Au pays de Pierre de Ronsard et de Du Bellay, les nobles français pratiquaient la poésie, mangeaient avec des fourchettes et pratiquaient les langues rares ; ils étaient aussi passés maître dans l’art de la séduction…ah ces incorrigibles français !
La future reine de France et déjà reine d’Ecosse, passait pour une très belle femme.

Son portrait peint par François Clouet de 1559 à l’occasion de ses fiançailles - exposé aujourd’hui au palais de Holyroodhouse à Edimbourg – présente pourtant une femme au long nez et aux lèvres serrées avec un regard absent.
Question de goût et d’époque sans doute. Ce qui est sur en tout cas, c’est que durant sa courte existence, Marie eut beaucoup d’amants [officiels et officieux] et 3 époux. Elevée à la cour de France, nul doute qu’elle eut aussi de bons enseignements sur la question. Encore une fois, n’en déplaisant aux anglais, il faut rendre à César ce qui appartient à César !

Marie et François grandirent ensemble, s’aimèrent et se marièrent à l’adolescence dans la Cathédrale Notre Dame… ils n’eurent par contre jamais d’enfant…
Après 17 petits mois de règne, François décéda prématurément et Catherine de Médicis prit la suite des opérations en tant que Régente. Ni une, ni deux, elle fit retirer les troupes françaises placées en Ecosse par son défunt fils, et reconnaître les droits d’Elisabeth sur le Royaume d’Angleterre. Ah la traitresse !
Le retour forcé en Ecosse
Dans ces conditions, sa brue prit la poudre d’escampette (1561) et traversa en une traite et sans escales, la mer pour rejoindre l’Ecosse ou les intrigues reprirent de plus belles. A 18 ans à peine, Queen Mary Mary posa de nouveau ses bagages et sa suite au château de Linlithgow près d’Edimbourg, ou elle avait vu le jour.
En 1565, la jeune reine épousa en seconde noce son cousin germain Henry Stuart, malheureusement, ce dernier n’eut qu’un seul mérite, celui de la mettre enceinte.
Le personnage se révéla rapidement assez sordide : infidèle à outrance, porté sur l’alcool et d’une violence rare, Henry Stuart fit assassiner sauvagement - de 56 coups de couteaux tout de même - David Rizzio, un aristocrate italien tombé en amitié avec la reine. La scène macabre se déroula sous le regard de Mary dans l’une des pièces du palais de Holyroodhouse.

A noter que la reine actuelle Élisabeth II séjourne régulièrement dans cette demeure de la fin du mois de juin à début juillet ; elle y organise une fameuse garden- party qui rassemble chaque année 8000 convives dans les jardins royaux.
De bien tristes mariages
Mais reprenons…Mary quitta Holyrood, où elle ne se sentait décidément plus en sécurité - et on la comprend - pour aller se réfugier dans l’impressionnante forteresse d’Edimbourg qui domine la ville. C’est là qu’elle donna naissance à son seul enfant : le futur roi d’Ecosse Jacques VI.

Ce château emblématique et mondialement connu, a été classé à l’UNESCO ; il abrite des trésors inestimables comme les joyaux de la couronne écossaise.
Pour d’autres détails :
Après un accouchement difficile [un brin de stress sans doute], Marie Stuart vécut en convalescence au château de Château de Craigmillar à côté d’Edimbourg en 1566.
L’édifice en ruines à présent est constitué d’un solide donjon et d’épaisses murailles avec une chapelle et un colombier dans la cour. Il est attesté que les membres de sa cour n’étaient pas logés dans le château, mais à quelques encablures plus au sud.
Quelques mois plus tard, le roi consort fut étranglé et Marie Stuart épousa en 3ème noces devinez qui ?…James Hepburn, comte de Bothwell et meurtrier du second mari. Shakespeare n’aurait pas trouvé de scénario plus rocambolesque et scandaleux !

Avec juste raison, la coupe commençait à devenir pleine pour les grands seigneurs d’Ecosse et à 24 ans (1567), Marie Stuart fut forcée d’abdiquer au profit de son jeune fils âgé de 10 mois. A partir de là, James VI d’Ecosse, élevé dans la religion protestante, ne revit jamais sa mère…
On peut dire que Marie fit de bien tristes choix qui causèrent vraisemblablement sa perte , ainsi à propos du comte de Bothwell, Marie Stuart écrivit : "Je donnerais l’Ecosse, la France et l’Angleterre pour le suivre au bout du monde dans un jupon blanc".
Soupçonnée plus ou moins de complicité dans le meurtre son second mari, la reine déchue fut emprisonnée au château de Loch Leven à Kinross sur une île au milieu de nulle part.

Quelque part dans le parc de ce château seraient enterrés les corps de ses jumeaux mort-nés issus de son mariage avec Bothwell. Ce dernier termina ses jours au Danemark dans une geôle ou il perdit la raison. On vous l’a bien dit, Roméo et Juliette ne leur arrivent pas à la cheville…
Mary parvint à s’échapper [vraisemblablement en jupon blanc] et contre toute attente, à rassembler une armée de partisans…rapidement mise en déroute.
Suivie de ses derniers fidèles serviteurs et désespérée, la reine trouva refuge pour quelques jours encore à l’abbaye de Dundrennan dans le Dumfries and Galloway, mais avouez que ça sentait vraiment déjà le sapin là.

On la pressa de partir en France, mais elle insista pour voguer jusqu’en Angleterre afin de demander l’appui de sa cousine Elizabeth…erreur fatale !
The end
Ni une ni deux, Elisabeth la fit jeter en prison et l’assigna à résidence. Marie eut alors cette phrase célèbre « En ma fin gît mon commencement ».
Sa cousine ne souhaitant pas la condamner pour meurtre*, la fit tout d’abord embastiller hors d’Écosse à Bolton Castle dans le Yorkshire en Angleterre, bien loin de ses partisans.
*il est dit qu’Élisabeth elle-même lui prêta certains vases en étain ainsi qu’une bouilloire en cuivre
En janvier 1569, Mary quitta Bolton et fut envoyée à Tudbury où elle vécut le reste de sa vie.
N.B : pendant sa capture, Marie a toujours su garder un teint de porcelaine. Elle se lavait le visage dans du vin blanc pour conserver une peau lisse, douce et sans rides. Un véritable sacerdoce pour ses geôliers chargés de satisfaire ses royals caprices. C’est qu’elle fut reine jusqu’au bout…
Durant ses longues journées, semaines et mois passés [18 ans au total], Marie continua d’échanger des lettres codées avec ses partisans. Celles-ci servirent de prétexte à sa condamnation à mort par Elisabeth en 1587.
En apprenant la nouvelle, Marie se serait exclamée : « Loué soit Dieu, vous me faites un grand bien de me retirer de ce monde ! »
Exécutée au Château de Fodrinhaye à 45 ans, l’histoire raconte qu’une suivante lui banda les yeux afin qu’elle puisse échapper aux regards des nobles et de la foule assemblée. Le bourreau complètement saoul s’y repris à 3 fois…
Son corps embaumé repose aujourd’hui dans un cercueil de plomb à l’abbaye de Westiminster à Londres à une dizaine de mètres de celui de sa cousine la reine Elisabeth. On peut vraiment dire qu’elles se sont rencontrées dans leurs tombes puisqu’en réalité, Mary Queen of Scots and Queen Elizabeth never met !

L’histoire romanesque et tragique de Mary, Queen of Scots ne ressembla pas vraiment à une vie de château. Devenue un mythe, elle a suscité en tout cas bien des opéras, des pièces de théâtre, une dizaine de films* et de séries.
* Marie Stuart avec Saoirse Ronan et Margot Robbie en 2019 et en sens inverse Elizabeth, un film réalisé par Shekhar Kapur avec Cate Blanchett.
Des artistes et des intellectuels prestigieux ont été subjugués par ce destin hors normes comme :
• Robert Schumann
• Stefan Zweig
• Madame de La Fayette
• Alexandre Dumas