Il est évident que pour lui - comme pour ses sœurs et son frère Jack qui se lança dans une carrière de peintre - Sligo a influencé sa vie.

Leurs parents avaient une maison de vacances à Rosses Point, dans le comté de Sligo. Une région très influente du temps de la piraterie et reliée au monde entier par un important trafic commercial.

Le village de Rosses Point constitua un cadre idyllique qui ne pouvait que nourrir l’imaginaire des enfants tout en les ouvrant à un autre monde.

Les plages face à l’Atlantique et les paysages y sont magnifiques, tandis que l’intérieur des terres offre de belles découvertes : des tombes mégalithiques comme celles de Carrowmore, des monastères en ruines du 6ème siècle comme celui de Saint Molaise ou des mines sombres et profondes comme celles de Barytine qui témoignent de l’activité économique antérieure.

L’âge et le contexte aidant, Yeats fut rattrapé par des choses plus « pragmatiques », notamment du fait des évènements tragiques liés à l’ébullition indépendantiste de l’Irlande.
Entre les années 1893-95, WB Yeats fréquenta Lissadell House, la maison d’enfance de la révolutionnaire irlandaise Constance Gore-Booth – surnommée la Comtesse Rouge – et sa sœur Eva Gore-Booth, une suffragette de la première heure, poétesse et écrivaine elle aussi.

La fin du 19ème et le début du 20ème furent l’objet d’une grande émulation intellectuelle pour toute la famille Yeats. Des artistes et des écrivains se rencontrèrent dans quantités de lieux – publics ou secrets – comme à Lissadell House, mais aussi à Coole Park dans le comté voisin de Galway, qui fut la propriété de lady Augusta Gregory.

Cette maison constitua un point central pour de nombreuses réunions sur la littérature irlandaise et dans le jardin clos, on peut voir un « arbre autographes » comportant les initiales de personnalités comme : WB Yeats, GB Shaw, JM Synge ou encore Douglas Hyde…
WB Yeats fut tellement inspiré par la beauté et la tranquillité de ces lieux qu’il y rédigea un poème intitulé « Cygnes sauvages à Coole ». Pour lui, ce domaine fut un lieu de ressourcement sans égal…

Moins connue fut l’histoire des sœurs Yeats Lily (Susan Mary) et Lolly (Elisabeth), ses plumes-sœurs, qui ont marqué l’histoire des femmes d’Irlande à leur façon.
Car toutes ces femmes - ses sœurs y compris - ont impacté la vie du poète. Elles auront été ses muses, celles avec qui il aima partager sa plume et ses mots.
Tandis que Lolly s’engagea dans les métiers de l’imprimerie durant plus de 40 ans, Lily excella dans les métiers de la broderie de haute volée. Certains de ses travaux sont d’ailleurs visibles à la maison Kelmscott, à Loughrea Cathedral, et au Yeats Society Building dans le comté de Sligo.

Engagées dans tous les sens du terme, elles fondèrent en 1908 les industries Cuala à proximité de Churchtown et encouragèrent les femmes à se former à différents métiers. A une époque où le sexe faible représentait si peu, Lily et Lolly formèrent des imprimeurs, des brodeuses, des coloristes en jupon.

Pour leurs idées et comportements, il faut savoir qu’en cette fin de siècle, les suffragettes - ou assimilées - étaient envoyées dans les geôles : la prison de Sligo se fit le plaisir d’ailleurs d’en accueillir un certain nombre.
Malgré quelques violentes invectives, Lilly et Lolly furent proches de WB Yeats et dans leur jeunesse, des discussions familiales animées eurent lieu près de la cascade de Glençar à Sligo. Une chute d’eau enchantée, comme fréquentée par les fées et surmontée par la majestueuse montagne Ben Bulben.

C’est d’ailleurs non loin, dans le cimetière de Drumcliff, que les restes de Yeats reposent. Dans une simple tombe, dénuée de croix et d’artifice, avec juste quelques vers gravés sur la pierre…

"Regarde d’un œil froid
La vie, la mort.
Cavalier, passe ton chemin !"